ATCC, l’Approche et la Transformation Constructives des Conflits

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Cet article est issu de mon Interview de Thérèse Collinet qui est spécialiste de l’Approche et Transformation constructives des conflits. Thérèse a travaillé pendant plus de 25 ans dans le domaine de la solidarité internationale en tant qu’animatrice de réseau, coordinatrice, formatrice, chargée de mission éducation au développement au CCFD Terre Solidaire. Elle a été également déléguée générale pour Ingénieurs sans frontières et s’est formée en 2002 à l’Approche et la Transformation Constructives des conflits. Son parcours riche et varié est orienté sur la solidarité, l’aide aux autres, l’accompagnement et également la notion de bien s’entendre en acceptant les différences des uns et des autres.

Dans cet article, je reprends les éléments clés des cette interview qui permet de comprendre ce qu’est l’ATCC. La gestion des conflits est l’une des difficultés premières qui est rencontrée par les managers et c’est pour cette raison que j’ai souhaité en savoir plus sur l’ATCC pour comprendre cette méthode.

Quels sont les bénéfices de l’ATCC ?

L’ATCC est une approche de la gestion des conflits méconnue. Pour identifier les principaux bénéfices de l’ATCC, donc l’Approche et la Transformation Constructives des conflits, il convient de rappeler trois caractéristiques d’un conflit :

  • La première chose, les conflits surgissent dès lors que la satisfaction d’un ou plusieurs besoins est mise en danger.
  • Le deuxième aspect, c’est que les conflits sont systémiques. Ils intègrent différentes dimensions. Très souvent, on a une vision réductrice d’un conflit.
  • La troisième caractéristique, c’est vraiment que les conflits sont généralement associés à une expérience de souffrance qui va générer une limitation de sa perception. Très vite, on va limiter sa perception à deux rôles, l’agresseur, qui veut être dans la toute-puissance pour garder le contrôle, ou alors on va être dans une forme d’impuissance et là on va endosser le rôle de la victime.

Une fois ces trois caractéristiques du conflit posées, on peut mieux mesurer ce qu’apporte l’ATCC.

  • Bénéfice 1 : Prendre du recul pour identifier les ressorts profonds de ce qui se joue en réalité. À cet égard, la métaphore de l’iceberg est intéressante. Généralement, on se crispe sur un petit bout qui dépasse, mais on a du mal à imaginer tous les ressorts profonds sous-jacents. Donc, l’action première que propose l’ATTC, c’est de prendre du recul et aller en profondeur pour identifier les racines du conflit.
  • Bénéfice 2 : Reconnaître sa part de responsabilité et apprendre à poser des limites. Prendre conscience que je suis responsable de mes émotions. J’étais convaincue que si j’étais triste, c’était à cause de l’autre. Si j’étais en colère, c’était à cause de l’autre. L’idée est de se réapproprier ses émotions. On va aussi apprendre à mieux connaître et identifier ses besoins frustrés. C’est un apprentissage qui permet de développer une empathie vis-à-vis de soi-même et une empathie vis-à-vis de l’autre. Et l’autre avantage, c’est qu’on va apprendre à mieux communiquer en nous autorisant à exprimer un désaccord sans blesser l’autre.

Avec l’ATCC, il y a l’idée de sortir de l’impuissance et de devenir capable de mobiliser des ressources individuelles et collectives.

En quoi l’ATCC est différentes d’autres approches de gestion des conflits?

Chaque méthode, du fait de ses concepteurs, conceptrices, a sa couleur, sa particularité, et c’est en cela que c’est important d’apporter des précisions. L’ATCC est née à la fin des années 90 et est le fruit d’une longue amitié inter-culturelle entre Hervé Ott, qui est un ancien militant du Larzac et Karl Heinz Bittel un Allemand diplômé de sciences humaines. Hervé Ott a fondé un centre de recherche sur la non-violence et avec Karl Heinz ont créé et dispensé la formation à l’ATCC en allemand et en français. L’ATCC a par ailleurs été élaborée en confrontant les résultats des sciences sociales humanistes et une pratique de trente ans de formation, d’accompagnement, de conseils de personnes et de groupes, avec une dimension très collective et très militante. L’ATCC Institut a donc un terreau d’engagement dans le collectif très fort.

L’ATCC privilégie trois angles spécifiques :

  • L’angle interpersonnel, et c’est souvent celui qui est le plus exploré, comment on entre en relation avec autrui et donc ce qui rend difficile cette inter-relation.
  • L’angle structurel, qui va mettre en évidence les situations délicates au sein d’un groupe. Il y a un ancrage très fort de l’ATCC dans la compréhension du groupe, les mécanismes de décision collective.
  • L’angle culturel qui permet de mettre à jour les antagonismes qui sont liés à la nature, à l’histoire de chacun.

Une autre particularité, c’est aussi l’ancrage de terrain où s’entraîner est le maître mot. On est beaucoup moins dans la théorie que dans la pratique en permanence. Et la dernière chose, c’est qu’il y a une diversité d’outils utilisés en fonction de la situation. On utilise par exemple un équivalent de la communication non violente (CNV), la communication assertive qui selon les praticiens de l’ATCC est plus systémique que la CNV.

Exemples de mise en oeuvre de l’ATCC

L’ATCC a fait ses preuves dans différents secteurs, que ce soit des entreprises, des associations, des établissements scolaires, des structures médico-sociales. Cette approche peut s’appliquer dans tous les espaces où il y a des groupes humains et des tensions.

Donc ATCC Institut a développé par exemple un partenariat avec la MNT (la Mutuelle Nationale Territoriale) depuis plus de trois ans. Cette mutuelle fait partie d’un grand groupe, c’est la première mutuelle des services publics locaux en santé et en prévoyance.

La MNT était consciente des problématiques et des spécificités de la fonction publique territoriale. Elle a investi la thématique des risques psychosociaux et plus particulièrement des conflits professionnels dans le cadre de son accompagnement santé au travail. Sur cet axe-là, elle s’appuie sur l’expertise d’ATCC Institut.

Des praticiens ATCC sont amenés à intervenir régulièrement dans des établissements où il y a des tensions particulières, notamment dans l’accueil des usagers. L’accueil est, en effet, un espace qui est confronté à des tensions de plus en plus grandes. Ces tensions sont source de souffrance au travail.

Un autre exemple d’intervention : au sein d’une coopérative de 12 personnes confrontée à des tensions internes qui sont dues à une croissance spectaculaire rapide. Le travail que nous avons fait a permis de clarifier les besoins des uns et des autres, notamment autour du suivi du stress et de la charge de travail. Les choses ont pu être posées, et suite à cette intervention, un groupe de travail sur la qualité de vie et des conditions de travail, la QVCT, a été mis en place. Le niveau de tension a été réduit, les travailleurs se sentent davantage outillés pour intervenir et agir quand il peut y avoir une dégradation dans la discussion, ils ont des postures différentes pour faire face à ces tensions.

Ces deux exemples montrent que l’ATCC peut s’adapter aussi bien à des petites structures que des grandes structures, et est notamment pertinente sur la question des tensions au sein d’une équipe.

Les défis de l’ATCC

L’ATCC demande une réelle implication de la structure qui souhaite être accompagnée. Donc si on fait appel à un consultant ATCC, mais que dans les faits, on veut juste des outils pour régler le problème en cinq minutes, sans se remettre en question, sans interroger sa posture, ses pratiques, les changements espérés ne seront pas forcément au rendez-vous. C’est la principale difficulté qu’on peut avoir en tant que praticien de l’ATCC.

L’enjeu, est d’arriver à créer la confiance suffisante pour que les personnes commencent à déposer les armes, acceptent de s’impliquer un petit peu et de sortir d’une posture défensive systématique. C’est très compliqué si vous êtes face à quelqu’un qui ne veut pas du tout se remettre en question. Selon Gandhi, il faut incarner le changement qu’on veut voir advenir, donc il y a un petit peu de ça dans l’ATCC, il faut d’abord commencer par soi. Mais en même temps, une fois qu’on l’a compris par l’entraînement, parce que ce n’est pas que théorique, cette posture va permettre de garder le cap et de préserver son intégrité en toute situation, ce qui est pour nous essentiel.

Face à des réactions de mauvaise foi, d’agressivité ou d’inertie que l’on connaît tous, avoir cette prise de conscience de sa propre responsabilité, de se dire « je ne rentrerai pas dans le jeu de l’autre, je me protège », c’est tout un travail, mais ça, ça va être essentiel. Mais ça peut être frustrant, parce que vous avez des gens qui rêvent quand on intervient dans une entreprise qu’on dénonce ce que fait l’autre. Non, ce n’est pas bien, il faut leur dire que ce n’est pas bien ce qu’ils font. Notre posture ne va pas être celle-là. Elle va plutôt être d’appeler chacun à reprendre ce recul nécessaire d’abord pour eux-mêmes.

Après, on va travailler sur le cadre pour voir dans quelle mesure il influe, ou non, sur les comportements des uns et des autres. Les défis qu’amène cette approche sont bien liés à la capacité de la structure, de l’organisation ou de l’équipe qui fait appel à l’ATCC à se remettre en question, notamment par la prise de responsabilité individuelle de chacun des membres de l’équipe.

On s’est rendu compte qu’une intervention ATCC avait des chances de véritablement réussir avec une adhésion réelle de la part de l’espace décisionnel de la structure. Parce qu’effectivement, très vite, on peut se heurter à des tensions, on peut faire tout un certain chemin avec les personnes, les besoins, mais le cadre est essentiel. La remise en question collective, elle est aussi importante en tant qu’instance, en tant que CODIR, en tant que conseil d’administration ou autre. C’est important et c’est souvent des espaces dans lesquels on intervient aussi.

Améliorer sa communication pour résoudre les conflits grâce à l’ATCC

La question de la communication est essentielle dans un conflit. L’ATCC ne l’a pas inventée, toutes les méthodes qui existent abordent ce sujet de la communication parce qu’on sait que c’est vraiment un ingrédient incontournable d’apaisement ou d’aggravation dans un conflit. Tout l’enjeu dans cette communication, ça va être d’aider les personnes en présence à observer. C’est la première étape, très importante. Observer, rester dans des faits concrets, objectifs.

Après, on va les amener à se connecter à leur ressenti. Qu’est-ce que ça leur fait ? Sachant que dans l’ATCC, on creuse énormément ce lien entre le ressenti et le besoin. C’est vraiment observer, se connecter à son ressenti, identifier son besoin et formuler une demande qui ne soient pas une exigence, ça c’est essentiel. L’expérience montre que souvent on a des demandes mais qui en fait sont plus des exigences et puis sont déconnectées finalement de notre besoin profond.

C’est important de distinguer un besoin profond et juste un désir. Revenir à l’identification d’un besoin vraiment plus fondamental qui va être la base de la formulation d’une demande. Mais comme on sera sur un besoin plus fondamental, on peut davantage, s’ouvrir à des solutions différentes et l’interlocuteur, l’interlocutrice va pouvoir aussi, du coup, davantage se connecter à votre besoin et donc rentrer en communication. C’est ça qui est essentiel. Donc, c’est effectivement simple à dire, mais c’est plus complexe à mettre en œuvre.

La communication assertive est un puissant facteur d’évolution. Là où parfois le dialogue est bloqué, si on revient à une formulation qui est plus centrée sur le besoin fondamental, le dialogue est facilité. Avec l’ATCC on va rester vigilant sur les autres facteurs qui peuvent avoir une influence sur la communication, notamment dans ces dimensions structurelles et culturelles. L’ATCC est une approche systémique, les conflits ne peuvent pas être réduits à un seul problème de communication.

L’ATCC pour gérer des attentes divergentes entre la direction et les membres d’une équipe ?

L’ATCC va travailler à différents niveaux. La première chose essentielle, ça va être de créer ou recréer un espace de dialogue et de confiance. Parfois, on va faire deux, trois séances de travail avant que la confiance soit restaurée. Par différents exercices, différentes pratiques, on va voir comment recréer ce dialogue et cette confiance, de manière à pouvoir faire émerger les réels besoins qui sont derrière les attentes exprimées par les uns et des autres. Parfois, on va arriver avec des revendications qui sont très limitées, fermées, et éclairer le besoin derrière va pouvoir permettre de voir que peut-être, on comprend le besoin, mais c’est la réponse qui n’est pas bonne, et ensemble, on réfléchit à une nouvelle réponse qui peut être apportée pour répondre à ce besoin, et pas se focaliser sur une demande qui peut être très réductrice.

Ensuite, il y a un autre aspect qui va être important, c’est de distinguer les conflits personnels et vraiment les conflits d’objets. Parfois, quand la tension monte entre la direction, les membres de l’équipe ou autres, c’est important de voir si ces tensions ne sont pas polluées par des conflits qui sont davantage interpersonnels. Ça ne veut pas dire que c’est systématique, loin de là, mais c’est important d’être vigilant là-dessus et de bien faire la différence entre les deux.

Un conflit d’objet, c’est un désaccord sur un objet, mais on n’atteint pas les personnes dans leur être, dans leur identité, on reste respectueux. Dans le conflit personnel, ça devient très vite difficile. Donc c’est important de distinguer les deux et en fonction de ça, de prendre les mesures appropriées, de prendre des dispositions pour faire en sorte que ça change.

Pour gérer des attentes divergentes, il va falloir aussi interroger le contexte. Le cadre, ça peut être très concrètement, le règlement intérieur, qu’est-ce qui est prévu de façon générale pour prendre des décisions ou autres, pour sanctionner. Questionner les modes de décision, parce qu’on se rend compte aussi parfois que c’est une question de forme plus que de fond. Il y a des gens qui vont d’abord se braquer sur la forme alors qu’ils sont d’accord sur le fond. On n’a pas été questionné, on ne nous a pas mis au courant, donc ça génère des frustrations. Alors qu’en fait, peut-être que ce qui a été décidé n’est pas forcément mauvais, mais dans la forme, se va braquer les gens parce qu’ils ne se sentent pas reconnus.

Il va y avoir un enjeu de s’assurer que toutes les parties prenantes se sentent incluses. Donc peut-être ça peut paraître très éloigné du sujet, mais on se rend compte que si on explore ça, ça peut amener un apaisement dans la discussion, parce que si toutes les personnes se sentent parties prenantes, si les processus de décision sont clairs, si on sait qui fait quoi, si on sait collectivement comment se prend la décision et qu’on a un espace où on peut chacun exprimer les besoins, on peut imaginer que là le dialogue va être facilité et que face à un problème donné, on va pouvoir amener des réponses qui sont plus satisfaisantes. L’espace de dialogue fait que même des attentes qui vont être divergentes, et donc des attentes qui ne sont pas toujours reçues, peuvent ne pas créer de conflit au final, et on va passer à autre chose.

Mais à chaque fois, l’idée, ça va être de repartir des besoins des uns et des autres dans un climat de confiance, de respect. Au moins dans un cadre qui est apaisé, on peut se concentrer sur les vrais problèmes et essayer de trouver des solutions innovantes.

Pour rédiger cet article, je me suis appuyées sur les transcriptions des 2 épisodes de podcast indiqués dans les ressources complémentaires. C’est une première pour moi. N’hésitez pas à me dire ce que vous en pensez dans les commentaires.

Ressources complémentaires :

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